La nullité de la marque déposée de mauvaise foi
L’intention de monnayer l’usage du nom d’un artiste caractérise la mauvaise foi du titulaire d’une marque
10/01/2025Pour être valablement enregistré en tant que marque, un signe doit remplir plusieurs conditions :
- Être susceptible de représentation ;
- Être distinctif et non descriptif ;
- Être licite ;
- Ne pas être trompeur ;
- Être disponible ;
- Être déposé de bonne foi.
L’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle précise qu’une marque déposée de mauvaise foi peut être déclarée nulle :
« Une marque dont le dépôt a été effectué de mauvaise foi par le demandeur. »
Définition et critères de la mauvaise foi
La mauvaise foi se caractérise par des indices pertinents et concordants montrant que le titulaire a déposé une marque avec une intention contraire aux usages honnêtes. Cela inclut :
- Une volonté de porter atteinte aux intérêts de tiers ;
- Une utilisation non conforme à la fonction essentielle de la marque, notamment celle d’indiquer l’origine des produits et services ;
- Une intention d’obtenir un monopole pour des fins non liées à la concurrence loyale.
Référence jurisprudentielle
CJUE, 29 janvier 2020, SKY, C-371/18, §75.
Un dépôt peut ainsi être considéré de mauvaise foi s’il vise à entraver les usages commerciaux ou à obtenir un droit exclusif sans légitimité, comme l’exemple de redéposer régulièrement une marque pour éviter de justifier son usage sérieux.
Exemple jurisprudentiel
TUE, 21 avril 2021, T-663/19.
La preuve de la mauvaise foi
L’INPI rappelle que le caractère frauduleux s’apprécie au jour du dépôt et ne peut être présumé. La charge de la preuve incombe à celui qui allègue la mauvaise foi.
Application pratique : Affaire « POMPON »
Une société de négoce d’objets d’art exploitant les œuvres de François POMPON a demandé la nullité de la marque « POMPON » déposée par le gestionnaire des boutiques des musées de la ville de Dion.
Constat de l’INPI
Le déposant connaissait nécessairement l’exploitation de la dénomination « POMPON » par la société de négoce, notamment pour des reproductions d’œuvres de l’artiste, en raison de la proximité géographique et sectorielle.
Cependant, le simple fait de savoir qu’un tiers utilise le signe ne suffit pas pour établir la mauvaise foi. Il est nécessaire d’évaluer l’intention du déposant au moment du dépôt. Cette intention, élément subjectif, doit être analysée au regard des circonstances objectives du cas d’espèce (CJUE, 27 juin 2013, C-320/12, point 36).
Décision de l’INPI
En l’espèce, l’intention de monnayer la marque a été caractérisée :
- Le titulaire souhaitait conditionner l’usage du nom « POMPON » au paiement d’une redevance, détournant ainsi le droit des marques de sa finalité.
- Cela entravait la libre commercialisation des répliques des œuvres de François POMPON, tombées dans le domaine public, en imposant une redevance même pour l’usage du nom patronymique de l’artiste.
Conséquences
La mauvaise foi a été retenue, et la marque « POMPON » a été déclarée nulle pour tous les produits désignés dans l’enregistrement.
Référence INPI
INPI, 13 septembre 2024, NL 23-0183.