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Maître Aurélie Testu

Les limites au droit des marques

La référence nécessaire à la marque d’un tiers

 I- Le rappel du principe

 Le principe est posé par les articles L.713-1 et L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle :

  • La marque confère un monopole sur le signe distinctif déposé pour les produits et services désignés lors de l’enregistrement :

« L’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu'il a désignés ».

  • En conséquence, le titulaire d’une marque peut interdire son utilisation, dans la vie des affaires, pour désigner des produits et services identiques ou similaires :

« Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :

1° D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;

2° D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque ».

Comme tous les droits de propriété intellectuelle, il existe cependant des exceptions et des limites à ce monopole accordé sur la marque.

Ainsi, l’article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle indique que le titulaire d’une marque ne peut pas interdire, sous certaines conditions, l’usage par un tiers :

  • De son nom de famille ;
  • De signes dépourvus de caractère distinctif au regard des caractéristiques du produit ou service proposé ;
  • D’un nom commercial, d’un nom de domaine, utilisés antérieurement à la date de la demande d’enregistrement de la marque ;
  • La désignation nécessaire de la destination d’un produit ou d’un service.

C’est cette dernière exception qui sera étudiée ci-dessous.

 

II- La référence nécessaire à la marque d’un tiers

L’article L.713-6 précité prévoit qu’« une marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, conformément aux usages loyaux du commerce : (…)

3° De la marque pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque cet usage est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée ».

Il est donc possible d’utiliser une marque enregistrée pour identifier des produits et services accessoires, mais à la condition que cet usage soit honnête.

Selon la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne, un tel usage est honnête lorsqu'il constitue en pratique le seul moyen de fournir au public une information compréhensible et complète sur cette destination afin de préserver le système de concurrence non faussé sur le marché de ce produit ou service.

(CJUE, 17 mars 2005, C-228/03)

La référence à la marque d’un tiers doit donc être absolument et strictement nécessaire à l'information du public quant à la destination du produit ou service proposé. Il convient de toujours veiller à ce qu'il n'y ait pas de confusion, dans l'esprit du public, entre les produits et services proposés et le titulaire de la marque utilisée.

Exemples jurisprudentiels

Les juges ont autorisé les usages de marques de tiers suivants :

  • L’usage d’une marque par les vendeurs de services de dépannage si la référence à la marque est nécessaire à l’information de leur clientèle (CA Paris, 15 mai 1998) ;
  • L’usage d’une marque précédée de termes tels que « pour » ou « adaptables », si cela est indispensable à l’identification de la destination des pièces détachées (Cass. Crim. 9 février 2011, n°09-88.125).

⇒ Est autorisé l’usage d’une marque pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, lorsque l'usage de cette marque est conforme aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale et nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée (Cass. Com. 15 mai 2024, n° 22-17.813).

 En revanche, les utilisations suivantes ont été sanctionnées :

  • L'usage des marques sur la notice accompagnant les produits en ce qu’il constitue un usage répété et non nécessaire de la marque pouvant engendrer pour le consommateur une confusion sur la réelle origine des produits en cause (TGI Paris, 15 avr. 2010, n°09/00817);
  • L’usage de la marque d’un tiers pour des services de dépannage lorsque l’identité de la personne qui propose ces services est mentionnée de façon tellement secondaire que cela induit une confusion sur l’existence d’un lien avec le titulaire de la marque. (CA Paris, 15 mai 1998).

 

III- Attention à la concurrence déloyale et au parasitisme

La capacité de tirer profit d’une activité, identifiée sous un signe distinctif, est réservée à celui qui investit dans l’activité et en supporte les risques en cas d’échec.

En conséquence et indépendamment des règles du droit des marques, l’usage du signe distinctif d’un tiers peut être qualifié de parasitaire lorsqu'il permet de tirer profit des investissements ou de la notoriété d’autrui.

En conclusion, l'utilisation d'une marque de tiers, même à titre de référence nécessaire, doit toujours être réalisée dans un cadre loyal, en veillant à ce qu'aucune confusion ne puisse naître dans l'esprit des consommateurs.