Droit des marques vs liberté artistique
L’usage artistique de signes distinctifs peut constituer une limite au droit des marques
La loi n°2016-925 du 7 juillet 2016 prévoit, dès son premier article, que « la création artistique est libre ».
Il convient cependant de concilier cette liberté avec d’autres droits parmi lesquels le droit que détient le titulaire d’une marque enregistrée sur cette dernière.
Le principe posé à l’article L713-2 du Code de la propriété intellectuelle, selon lequel « est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage (…) d’un signe identique » est conditionné à ce que cet usage soit effectué « dans la vie des affaires ».
Se pose alors la question de la reproduction d’une marque par un artiste, au sein de ses œuvres, qu’il commercialise ensuite.
Une jurisprudence ancienne considérait que « au regard du droit des marques (…) le simple fait par X de reproduire les marques (…) dans une œuvre artistique n’est pas en soi répréhensible ». Ce qui est répréhensible est « l’utilisation commerciale » de la marque, la loi n’ayant « pas prévu d’exception au caractère absolu du droit de propriété conféré par l’enregistrement d’une marque, au profit des auteurs de parodies, pastiches ou caricatures ».
CA Paris, 26 octobre 1994 : PIBD 1995, III, p.8
Plus récemment, il a pu être jugé qu’un dessin apposé sur un tee-shirt « l’est à titre décoratif, aucun élément ne permettant de le rattacher à un usage à titre de marque renvoyant à l’origine commerciale du produit, ce pull étant commercialisé sous la marque X très clairement présente tant sur l’étiquette cousue à l’intérieur du pull que sur celle cartonnée attachée au vêtement ».
CA Paris, 1er février 2022, n°20/01646
Indépendamment de la contrefaçon, l’usage d’une marque ne constitue pas non plus une faute au sens de l’article 1240 du Code civil lorsque « les propos incriminés relevaient de la liberté d'expression sans créer aucun risque de confusion entre la réalité et l'œuvre satirique ».
Cass. AP, 12 juillet 2000, n°99-19.004
Aussi, il convient de s’assurer que le public visé ne fera aucune confusion entre la marque et la création artistique. Tel n’est pas le cas lorsque, dans le cadre de l’utilisation d’une marque de renommée [Louis Vuitton] sur une jaquette de disque : « l'usage d'un signe imitant une marque de renommée dans le but, notamment, d'identifier des produits ou services auprès du public concerné, peut constituer une exploitation injustifiée tirant indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque ».
Cass. Com. 11 mars 2008, n°06-15.594