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Maître Aurélie Testu

La condition d’originalité en droit d’auteur

L’originalité des créations architecturales

 I- La nécessaire démonstration de l’originalité d’une œuvre pour bénéficier de droits d’auteur

 Aux termes de l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle, l’auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

 Si les droits d’auteur découlent donc de la seule création, sans qu’il soit nécessaire de procéder à un quelconque dépôt, il convient cependant de pouvoir justifier de l’originalité de ladite création.

 Ainsi, il incombe « à celui qui entend se prévaloir des droits de l’auteur, de rapporter la preuve d’une création déterminée à une date certaine et de caractériser l’originalité de cette création, l’action en contrefaçon étant subordonnée à la condition que la création, objet de cette action, soit une œuvre de l’esprit protégeable au sens de la loi, c’est à dire originale ».

CA Paris, pôle 5 - ch. 1, 25 mai 2011, n° 09/13670

 La protection d’une œuvre de l’esprit n’est donc acquise que si la création a une forme originale et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable.

 

II- Le cas particulier de l’originalité d’une œuvre architecturale

S’agissant d’œuvres architecturales, il est constant que l’originalité ne découle pas de la seule constatation de choix liés à l’emplacement, à la taille ou à la matière utilisée. Les explications qui s’appuient exclusivement sur des aspects techniques ou esthétiques sont dénuées de pertinence pour la preuve de l’originalité qui implique pour le créateur d’expliquer en quoi le choix effectué exprime sa personnalité.

 Il a récemment été rappelé que la production d’un document de présentation détaillant un concept architectural, sous la forme de plans formalisés, peut traduire le savoir-faire et les connaissances techniques et esthétiques d’un architecte mais que cela ne relève en revanche d’aucun choix libre et créatif.

 « Si ce concept architectural traduit le savoir-faire et les connaissances techniques et esthétiques d’un architecte d’intérieur qui ne sont pas déniés à la société X, le tribunal ne peut que constater que la conjugaison de ces “créations architecturales” se limite à inscrire la boutique dans les styles industriel et rétro américain en y ajoutant les éléments issus de la charte graphique de la société Y, ce qui ne révèle aucun choix libre et créatif de la société X. L’agencement global de la boutique ne présente pas davantage de caractéristiques significatives de la personnalité de la demanderesse, l’originalité (…) n’est pas caractérisée. Le concept architectural n’est donc pas protégé par le droit d’auteur ».

 TJ Paris, 16 janvier 2025, n°22/04993

Dans ces conditions, l’originalité d’une œuvre architecturale, permettant d’invoquer la titularité de droits d’auteur sur cette création, « doit être appréciée au regard d'œuvres déjà connues afin de déterminer si la création revendiquée s'en dégage d'une manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d'un effort de création, marquant l'œuvre revendiquée de l'empreinte de la personnalité de son auteur ».

 CA Paris, 22 juin 2021, n°19/16343

 Ainsi, il est nécessaire de s’assurer que les choix personnels revendiqués pour démontrer l’originalité d’une création ne soient pas issus d’un fonds commun non susceptible d’appropriation mais au contraire traduisent des choix créatifs exprimant la personnalité de l’auteur.

 TJ Paris, 16 janvier 2025, n°22/04993

 

Avant toute procédure judiciaire, puis au cours de celle-ci, il conviendra donc de démontrer sérieusement l’originalité de l’œuvre architecturale concernée pour éviter toute contestation de la titularité des droits d’auteur.