L’identification des œuvres de l’esprit
Une condition pour bénéficier de la protection offerte par le droit d'auteur
L’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».
Une œuvre de l’esprit est généralement définie, par la jurisprudence et la doctrine, comme le résultat de l’activité créatrice d’une personne physique.
Le législateur a fixé une liste non exhaustive de ce qui est susceptible de constituer une œuvre de l’esprit : les œuvres littéraires, audiovisuelles, graphiques, architecturales, etc.
Pour compléter cette liste, les tribunaux ont été contraints de qualifier ou non d’œuvre un certain nombre de créations.
Tel a été le cas de l’empaquetage du Pont-Neuf par l’artiste Christo. Christo avait estimé que le fait pour des tiers (éditeurs de cartes postales ou réalisateurs de séries télévisées) d’exploiter l’image du Pont-Neuf emballé, sans son autorisation, constituait une contrefaçon de droit d’auteur.
La Cour d’appel de Paris a jugé que « l’idée de mettre en relief la pureté des lignes du Pont-neuf et de ses lampadaires au moyen d’une toile soyeuse tissée en polyamide, couleur de pierre de l’Ile-de-France, ornée de cordage en propylène de façon que soit mise en évidence, spécialement vu de loin, de jour comme de nuit, le relief lié à la pureté des lignes de ce pont constitue une œuvre originale susceptible de bénéficier à ce titre de la protection légale ».
Cour d’appel de Paris 13 mars 1986, n° 85-16.142
Plus récemment, la Cour d’appel de Paris a eu l’occasion de juger que le fait pour une influenceuse de se mettre en scène et de se photographier dans une cage d’ascenseur en prenant un selfie, accompagnée de son chien, ne conférait pas à la photographie réalisée un caractère original.
L’influenceuse en question, qui avait donc l’habitude de présenter sa tenue du jour par un selfie pris dans son ascenseur avec son chien, a reproché à la société MAJE d’avoir, à l’occasion d’une campagne publicitaire, utilisé une photographie reprenant prétendument les caractéristiques essentielles de ses clichés.
La Cour d’appel a considéré que l’influenceuse échoue à établir les choix arbitraires qu’elle aurait fait quant à la mise en scène, les jeux de contraste, les effets de lumière, le positionnement des éléments ou le travail de retouche et partant l’originalité de ses photographies.
Cour d'appel de Paris, 12 mai 2023, n°21/16270
En l’absence d’originalité, la création ne peut être qualifiée d’œuvre de l’esprit bénéficiant de la protection offerte par le droit d’auteur.