Intelligence artificielle et droits d’auteur
Quelle répartition des droits d’auteur pour les créations issues d’une IA ?
24/01/2025I- LE CADRE RÈGLEMENTAIRE DE l'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Le droit peine à s'adapter à l'évolution rapide de l'intelligence artificielle. Aucun texte ne permet à ce jour de trancher clairement la question de la titularité des droits attachés aux créations réalisées par une Intelligence Artificielle (IA), qu’elles soient autonomes ou assistées par un utilisateur.
En effet, bien qu’une proposition de loi n°1630 visant à « encadrer l’intelligence artificielle par le droit d’auteur » ait été déposée à l’Assemblée Nationale, le 12 septembre 2023, le seul texte applicable à ce jour est le Règlement (UE) 2024/1689 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle.
L’article 3 de ce règlement définit le « système d’IA » comme « un système automatisé qui est conçu pour fonctionner à différents niveaux d’autonomie et peut faire preuve d’une capacité d’adaptation après son déploiement, et qui, pour des objectifs explicites ou implicites, déduit, à partir des entrées qu’il reçoit, la manière de générer des sorties telles que des prédictions, du contenu, des recommandations ou des décisions qui peuvent influencer les environnements physiques ou virtuels ».
Ce règlement classe les systèmes d’IA en quatre niveaux en fonction du risque qu’ils présentent :
- Risque inacceptable : interdiction de pratiques contraires aux valeurs de l’Union européenne et aux droits fondamentaux. Ex : notation sociale
- Haut risque : exigences renforcées pour les IA pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes ou à leurs droits fondamentaux. Ex : systèmes biométriques
- Risque spécifique en matière de transparence : obligations de transparence spécifiques. Ex : génération de contenus artificiels
- Risque minimal : absence de réglementation.
II- L'UTILISATION D'OEUVRES PROTÉGÉES PAR LE DROIT D'AUTEUR PAR LES INTELLIGENCES ARTIFICIELLES
S’agissant des droits d’auteur, le règlement souligne que les IA peuvent représenter un risque pour les droits d’auteur. Pour autant, le règlement écarte ce risque en s’appuyant sur la possibilité pour les auteurs de s’opposer aux activités de fouilles de données (data-mining). Ainsi, le considérant 105 du règlement indique que : « Les modèles d’IA à usage général, en particulier les grands modèles d’IA génératifs, capables de générer du texte, des images et d’autres contenus, présentent des possibilités d’innovation uniques mais aussi des défis pour les artistes, les auteurs et les autres créateurs, et la manière dont leur contenu créatif est créé, distribué, utilisé et consommé.Le développement et l’entraînement de ces modèles requièrent un accès à de grandes quantités de texte, d’images, de vidéos et d’autres données. Les techniques de fouille de textes et de données peuvent être largement utilisées dans ce contexte pour extraire et analyser ces contenus, qui peuvent être protégés par le droit d’auteur et les droits voisins. Toute utilisation d’un contenu protégé par le droit d’auteur nécessite l’autorisation du titulaire de droits concerné, à moins que des exceptions et limitations pertinentes en matière de droit d’auteur ne s’appliquent. La directive (UE) 2019/790 a introduit des exceptions et des limitations autorisant les reproductions et extractions d’œuvres ou d’autres objets protégés aux fins de la fouille de textes et de données, sous certaines conditions. En vertu de ces règles, les titulaires de droits peuvent choisir de réserver leurs droits sur leurs œuvres ou autres objets protégés afin d’empêcher la fouille de textes et de données, à moins que celle-ci ne soit effectuée à des fins de recherche scientifique. Lorsque les droits d’exclusion ont été expressément réservés de manière appropriée, les fournisseurs de modèles d’IA à usage général doivent obtenir une autorisation des titulaires de droits s’ils souhaitent procéder à une fouille de textes et de données sur ces œuvres. »
La SACEM a exercé ce droit d’opposition « opt-out » afin d’interdire la fouille de données sur les œuvres de son répertoire. Les systèmes d’IA devront désormais obtenir une autorisation préalable pour utiliser ces œuvres.
III- LA TITULARITÉ DES DROITS D'AUTEUR ATTACHÉS AUX CRÉATIONS DES INTELLIGENCES ARTIFICIELLES
Le règlement européen reste muet quant à la question de savoir si les créations d'IA peuvent être protégées par le droit d'auteur et, dans l'affirmative, à qui appartiendraient ces droits.
Dans l’hypothèse d’une création réalisée par une IA avec ou sans intervention de l’utilisateur, la doctrine a émis plusieurs hypothèses :
- Il est globalement admis qu’une IA ne peut pas avoir une personnalité juridique ;
- Une IA serait susceptible d’exprimer « l’empreinte de la personnalité » de son créateur et le créateur pourrait être l’auteur indirect des créations de l’IA…
- Au contraire, les créations issues d’une IA pourraient automatiquement tomber dans le domaine public, en l’absence d’auteur :
- En l’absence de règles spéciales dans le Code de la propriété intellectuelle (CPI), le droit commun devrait s’appliquer et il conviendrait de faire application de l’article 546 di Code civil et de l’accession par production. Si l’IA est une œuvre collective (article L. 113-5 du CPI), la personne sous le nom de laquelle l’IA est exploitée serait titulaire des droits d’auteur sur les créations de l’IA.
En conclusion, la question droits d’auteur des utilisateurs d’une IA est à ce jour très incertaine.
Dans ce contexte d’incertitude juridique, il est crucial de consulter les conditions générales ou tout autre document juridique fourni par l’IA utilisée.de consulter les conditions générales ou tout autre document juridique, fournis par l’IA utilisée. La plupart autorise l’utilisateur à exploiter les créations de l’IA tout en se réservant le droit de les proposer à d’autres utilisateurs et de les diffuser sous le nom de l’IA.
En tout état de cause, il apparaît indispensable et urgent d’instaurer rapidement une réglementation dans la mesure où d’après une étude réalisée par la SACEM et la GEMA sur l’impact de l’intelligence artificielle dans la musique, 35% des 15.000 membres de la GEMA / SACEM interrogés dans le cadre de cette étude ont utilisé des technologies d’IA dans leur travail lié à la musique. Ce chiffre serait de 51% pour les membres de moins de 35 ans…